Du stade à l’écran : quand le sport se connecte

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Écrit par Kunckler Florian

Big data, objets et textiles connectés, événementiel interactif, e-réputation… Comment le numérique, tant au niveau des usages que des technologies, a révolutionné le sport et va encore le transformer. Quelles sont les évolutions et les perspectives attendues ? Quelle place les startups vont-elles prendre sur ce marché mondial ?

Hier, lorsque les pionniers de la montagne revenaient de leurs exploits, ils publiaient un récit. Puis il y a eu l’ère de l’image. On a vu des duels au sommet, des héros glacés sur le toit du monde.

Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, que vous soyez un champion ou un randonneur ordinaire, votre montre vous propose une animation 3D de votre dernier parcours, ponctuée de toutes les données de votre performance.

Ici par exemple, les données de course du vainqueur du Grand Raid de la Réunion, François d’Haene. Ou celles du record d’ascension du Mont McKinley par Kilian Jornet.

Mais vous pourriez bien – vous aussi – produire votre propre contenu multimédia sur votre exploit personnel grâce à cette même montre. Et le publier sur Facebook ou Twitter. En appuyant simplement sur un bouton.

Les évolutions du numérique ont bouleversé bien des domaines. Considérant l’impact actuel du secteur du sport, il eut été bien étrange que la révolution du numérique s’arrête aux portes du stade.

Le sportif connecté : entre données personnelles, gestion de l’image et bouleversement des pratiques

Rangez ce chronomètre à affichage digital. Aujourd’hui, une puce électronique scotchée discrètement sur votre dossard enregistre vos moindres mouvements et les retranscrit via une interface en ligne, à grands renforts de graphiques, d’éléments cartographiques, de moyennes et d’analyses diverses.

Rangez cette carte, cette boussole. Votre montre est devenue un GPS et vous guidera, par vent et marées, jusqu’à la rive. Ou jusqu’au sommet.

Même les textiles s’y mettent : ce t-shirt capte vos signaux vitaux, votre vitesse… Celui-ci, produit d’une grande marque de polos haut de gamme, analyse – entre autres – votre niveau de stress. Quant à ce bracelet ou à ces chaussures de sport, ils captent le nombre de vos pas quotidiens.

On va s’arrêter là, mais la liste des exemples de ces dispositifs qui mesurent les caractéristiques de votre effort semble interminable. A la clé, de quoi estimer votre progression, l’efficacité de votre entrainement, le stade de votre préparation… Mais aussi un contenu digital détaillé à partager à votre entourage sur les réseaux sociaux.

Le big data au service de la performance

L’analyse de statistiques de jeu et de performance fait depuis de nombreuses années partie de l’arsenal des grandes franchises sportives. La révolution du big data a encore fait passer un cap aux professionnels du sport. Les données numériques ont aujourd’hui une place prépondérante dans la stratégie sportive.

Ainsi, la célèbre « Mannschaft » (sélection allemande de football) aurait été une des premières équipes à utiliser un logiciel d’aide décisionnelle, développé par le groupe SAP spécialisé dans l’analyse de gros volumes d’informations. Objectif : capter le plus de données possible sur ses joueurs et sur ses adversaires et les convertir en un matériel exploitable.

Dans la pratique ? Des capteurs biométriques sur les footballeurs, beaucoup de caméras, des outils d’analyse de l’image et un logiciel pour donner du sens à toutes ces informations. Résultat ? De l’aveu des entraineurs de l’équipe nationale, ces informations ont joué un rôle déterminant dans la conquête du titre mondial en 2014. Pour en savoir plus.

L’image du club et du sportif : la performance au second plan ?

On répondra tout de suite à cette question : non, la communication et la présence médiatique des athlètes n’ont jamais éclipsé leurs résultats. Mais il est vrai qu’un sportif professionnel accompli ne peut aujourd’hui exercer son métier sans maîtriser les ressorts de la e-réputation. Ou sans se faire méticuleusement conseiller.

Jugez plutôt. Carlton est un jeune « ultra-traileur » très performant. Il truste régulièrement le top 10 des grandes courses. Il n’est pas un athlète professionnel pour autant : dans le vie, en plus de courir en montagne, il est ostéopathe à Chamonix. Il n’empêche qu’une grande marque de chaussures de sport l’a repéré et lui a proposé un partenariat. Rien de mirobolant : financer ses frais de courses, fournir son matériel. Ses seules obligations en échange ? Participer aux événements promotionnels de la marque. Entretenir minutieusement une page fan sur Facebook. Alimenter son compte Twitter. Et créer du contenu pour son blog.

Le cas de Carlton en dit long sur l’impératif d’une présence digitale pour le sportif du XXIe siècle : elle se place juste derrière les injonctions de résultats.

Le fan connecté : de nouvelles expériences pour les spectateurs

On fait un bon de géant lorsque l’on s’intéresse à l’utilisation des outils numériques par les grandes franchises du sport américain. Ici, les moyens ne sont plus ceux de l’association sportive, mais bien ceux de structures multinationales.

Ces clubs ont depuis longtemps pris conscience de la puissance des médias sociaux : « Le sport possède en lui un aspect émotionnel d’une puissance rare. Il passionne et fédère. Et les réseaux sociaux constituent le lieu de cristallisation de cette passion et de cette ferveur. La preuve en a encore été donnée lors de la Coupe du Monde de Football 2014, où plus de 600 000 tweets à la minute ont été échangés durant la finale Allemagne-Argentine », peut-on lire sur le site des rencontres sport-numericus.

Mais revenons à l’exemple du sport outre-atlantique et plus particulièrement à la stratégie digitale des Denver Nuggets, une franchise NBA (basket-ball). « Les Denver Nuggets proposent une offre de billetterie communautaire directement accessible via leur page Facebook.», apprend-on sur sport-numericus.com. Autre club NBA, à Sacremento cette fois, les Kings ont fait porter des Google Glass à leurs joueurs à l’entrainement pour proposer à leurs fans une expérience particulièrement immersive dans l’activité de leurs champions.

Laissons le mot de la fin à Boris Helleu, directeur du Master 2 Management du Sport à l’Université de Caen, cité sur le site de sport-numericus. « Le community manager est aujourd’hui l’une des personnes les plus importantes des clubs. » Tout est dit.

Le e-sport : « le sport avec un grand E »

Le numérique a bien percé l’univers du sport. Et si le paradigme sportif avait lui intégré le monde digital ? Cela existe. Et ça s’appelle le e-sport. « Le e-sport, c’est le sport avec un grand E ». Cette formule est à porter au crédit de « Chips », un des commentateurs vedettes de cet univers.

Le e-sport est un concept très simple : il s’agit de la reprise des codes et du fonctionnement de l’événementiel sportif dans la pratique du jeu vidéo. Et ne souriez pas devant votre écran : le e-sport est aujourd’hui un marché comparable à certaines grandes ligues du sport professionnel.

« Avec leurs stars internationales pleines aux as, leurs centaines de millions de fans sur le Web, leurs salles combles et leurs sponsors généreux, les tournois de jeux vidéo sont devenus des monstres économiques. En toute discrétion. » L’Express a enquêté l’été dernier sur cet univers. Les résultats sont sans appel : le e-sport est tout sauf un phénomène marginal.

« Les compétitions, les sponsors, les gros événements, la passion, les fans, les transferts de joueurs, les gros salaires, les commentateurs sportifs : tout ce que vous connaissez dans le sport traditionnel, se retrouve aussi dans League of Legends (un des jeux vidéo les plus représentatifs pour sa pratique e-sport, ndlr) », explique à l’Express Nicolas Laurent, vice-président de Riot Games.

Des chiffres ? La finale 2013 de League of Legends, le jeu vidéo le plus joué au monde, a attiré 32 millions de spectateurs sur le Web. Le tournoi de Dota 2 (un autre jeu vedette) était doté d’un « prize money » dépassant les 7 millions d’euros. « Le joueur salarié le mieux payé au monde est un Sud-Coréen, Jaedong, qui émarge à 10 000 euros par mois. Le Français ‘Stephano’, autre virtuose de Starcraft II, touchait 8000 euros par mois, auxquels il faut ajouter quelques milliers d’euros mensuels pour le streaming, la retransmission en direct de leurs performances sur des sites d’hébergement de vidéos comme YouTube, Dailymotion ou Twitch, qui les rémunèrent », raconte à l’Express Rémy Chanson, le patron de la section e-sport et Web-TV de Millenium, le deuxième site de jeux vidéo en France.

Des perspectives pour les acteurs du secteur : une manne pour les startups du numérique ?

S’il est toujours compliqué de statuer sur ce type de questions, il est au moins une initiative qui y croit dur comme fer : le nouvel incubateur dédié aux startups de l’univers du sport le Tremplin à Paris.

Une première mondiale : c’est la première fois qu’une structure est directement dédiée à l’innovation dans ce secteur clé. Et le Tremplin de mettre en avant un certain nombre de chiffres pour expliquer sa démarche. « Malgré un contexte économique difficile, le secteur du sport est en forte croissance en France. La dépense sportive s’élève à plus de 35 milliards d’euros, soit près de 2% du PIB. Les exportations annuelles représentent 2 milliards d’euros. Le commerce des articles de sport correspond à un chiffre d’affaires de près de 10 milliards d’euros. Près de 300.000 emplois sont directement liés au secteur. » Voilà des perspectives intéressantes. Et les jeunes pousses dans tout ça ?

Le Tremplin liste alors les perspectives d’innovation du secteur. Beaucoup sont directement liées au numérique, comme le big data, la géolocalisation ou les objets et les infrastructures connectés dont on a déjà parlé. Mais l’incubateur cite également le cyber-sport, « par exemple la création de conditions de pratiques sportives à base de réalité virtuelle », ou encore des modèles innovants alliant sport, numérique et santé. « L’ambition de cet incubateur est grande, mais elle agit comme un moteur supplémentaire d’engagement et d’investissement : faire de Paris la capitale de l’économie et de l’innovation dans le sport ».

Au total 17 jeunes pousses vont recevoir l’aide de l’incubateur. La plupart d’entre-elles se placent sur des thématiques liées au numérique. On peut citer les créateurs de « pédales connectées », Connected Cycle, pour la capture de données sur l’activité cycliste. Ou encore Mojjo qui analyse via la vidéo chaque détail d’un match de tennis. Ou enfin SportEasy, qui aide les clubs de sports collectifs à organiser des rencontres et des déplacements.

L’Incubateur Belle de Mai est bien conscient du dynamisme du secteur. Il entend par sa conférence Sport et numérique du 2 juin 2015 montrer qu’il mesure l’attrait du secteur et qu’il est particulièrement ouvert aux initiatives sur cette thématique.

 

 

Kunckler Florian

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Journaliste spécialisé dans les nouveaux médias et rédacteur web. Pour plus de détails sur mes travaux : http://www.doyoubuzz.com/florian-kunckler

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