Conférence Belle de Mai : IoT, mirage ou eldorado ?

article, IoT, Objets connectés
Écrit par Kunckler Florian

Ce mardi 8 juin 2016, l’Incubateur Belle de Mai de Marseille invitait des grands acteurs du riche univers des objects connectés (IoT) à discuter du présent et du futur du secteur. Qu’en retient-on ?

Puisqu’il faut bien commencer par un bout, autant poser les bonnes bases. Qu’est ce que le secteur des objets connectés ? « Cela concerne des objets qui remontent une information du terrain, qui l’envoient à travers un réseau vers un système central ; système qui va ensuite traiter cette information », explique Christophe Guion, directeur Projets innovants Sud-Est chez Orange.

Mais au delà de cette question très empirique, une autre interrogation a concentré toutes les attentions ce mardi 8 juin à l’Incubateur Belle de Mai de Marseille : l’IoT, est-ce un mirage ou eldorado ?

« L’Internet des objets n’est pas une bulle. Le potentiel souvent décrit est réel. Mais pour dire vrai, on ne sait pas où on en est aujourd’hui des projections à moyens termes ». Renaud Acas – journaliste spécialisé dans le secteur, fondateur du site d’information www.objetconnecte.com – n’a pas de réponse tranchée à apporter à cette grande question : est-ce que cette manne économique plutôt engageante – située par les prévisionnistes entre 1 700 et 1 900 milliards de dollars à l’horizon 2020 – est réaliste ?

« Il est vrai que ce développement a connu quelques ratés. On pense notamment à la grande distribution et au e-commerce qui mettaient très en avant les produits connectés en tant que tels dans leurs rayons et sur leurs « homepage » l’année dernière. Aujourd’hui les « corners » et les onglets estampillés « objets connectés » ont souvent disparu. Cela laisse présager d’une chose : le futur de l’IoT ne sera pas l’essor d’une catégorie de produits, mais bien d’une multitude de « success story » individuelles qui porteront sa croissance. »

En tête de liste ? « Dur à dire, ils sont tellement nombreux. Mais on observe aujourd’hui un fort développement des grosses enseignes de montres connectées par exemple, et des entreprises avec un investissement marketing important (bracelets fitbit et milieu du sport notamment). Il y a le secteur des drones aussi. Bref, cela reste un marché très vaste. Difficile de pointer les futures grandes réussites. »

L’IoT en 2016

Comment se faire une idée de l’état du marché des objets connectés? Peut-être en écoutant les constats de deux témoins de premier plan de cette branche. Le premier vend ces objets. Patrice Lafon est directeur d’un magasin d’une enseigne spécialisée dans les produits Hi-Tech pour le grand public. Il explique.

« La grande distribution a commencé à s’intéresser à l’IoT via les télévisions connectées. Aujourd’hui, on a mis en rayon une machine à café connectée : du chemin a été parcouru. A mon sens, c’est autour de l’univers de la maison que ces technologies trouveront – à court terme – le plus d’applications. Et d’intérêt de la part des consommateurs. Via deux grands segments : le confort (piloter le chauffage, les appareils de nettoyage et l’éclairage à distance par exemple) et la sécurité (une caméra qui reconnaît votre enfant qui rentre de l’école et qui vous informe de son retour à la maison). »

Et le cœur de ces dispositifs selon le vendeur ? « L’écran de la télévision. Grâce à sa taille et à sa place dans le foyer, il sera le centre névralgique des différents objets connectés. »

De son côté, Sandra Chalinet les utilise pour développer son business. Elle est directrice d’un grand centre commercial marseillais. Son dispositif ? Près de 200 beacons, des bornes interactives, des tables d’orientation tactiles, une application de géolocalisation…

Sandrine Chalinet a tout de suite été convaincue par les intérêts de l’IoT dans son activité. Elle continue d’ailleurs d’explorer de nouvelles voies. Son analyse ? « Il va falloir encore un peu de temps pour peaufiner ces dispositifs. Ce n’est pas aussi évident que je le pensais au début. L’avenir pour mon utilisation sera dans les messages « push » sur les smartphones des clients. Mais il y a un équilibre qu’il va falloir trouver pour ne pas étouffer le visiteur. »

Fluidifier la relation clients

L’enseigne de Sandrine Chalinet, c’est le cœur de cible d’André Oucharif. Cet entrepreneur a développé Think&GoNFC, start-up spécialisée dans les écrans connectés innovants. Ces deux axes de travail ? Le « drive to store », où comment utiliser les écrans pour conduire le consommateur jusqu’à la boutique. Et le « payment connected screen », où comment réduire à quelques secondes le processus de paiement : « il suffit d’approcher sa carte bancaire de l’écran.»

Et le travail de l’entrepreneur connait un intérêt grandissant. Au point d’avoir intéressé Ingenico, le leader mondial des solutions de paiement. « En France, nous venons par exemple d’installer le premier écran connecté dans la rue Sainte-Catherine à Bordeaux. Le principe est simple : on approche le smartphone de l’écran pour récupérer le coupon et on se rend dans la boutique à quelques dizaines/centaines de mètres pour l’utiliser. Nous avons aussi installé un écran à la gare Saint-Lazare pour le compte de l’Institut Curie. En approchant leur carte bancaire, les usagers pouvaient faire des petits dons de 1, 2, 3 ou 4€ en quelques secondes. »

L’entrepreneur confie d’ailleurs travailler avec la SNCF sur le développement de ce type de terminaux au sein des gares et des rames pour transmettre de l’information aux utilisateurs, pour leur permettre d’acheter en quelques secondes leurs titres de transport ou même pour réserver leurs tickets de spectacle… « Il y a tant de possibilités à imaginer ! La seule limite ? La législation qui nous empêche de procéder à des règlements supérieurs à 20€ via le sans-contact. Mais on peut espérer que cela changera : au Canada par exemple cette limite de paiement est fixée à 100$. »

L’IoT de demain

Il était un autre invité – ce mercredi 8 juin – à imaginer des futurs possibles pour l’IoT : Christophe Guion. « Orange est positionné à tous les niveaux de l’IoT. Sur les objets eux-même : nous mettons en avant dans nos boutiques les meilleurs développements des start-up que nous soutenons. Mais aussi sur la centralisation des données grâce à nos boitiers domotiques, sur les bases de données où vont être stockées et valorisées ces datas. Et évidemment sur les réseaux, notre segment historique », assure le cadre.

Il en veut pour exemple le nouveau réseau introduit par l’opérateur et directement pensé pour l’IoT : LoRa. « Il s’agissait de trouver un vecteur qui permette aux petits objects connectés avec peu de besoins, de transmettre leurs datas en économisant au maximum leur énergie. L’idée est bien sûr de s’adresser aux objets qui n’ont pas accès au réseau électrique. » Un exemple peut-être ? « La smart-agriculture qui utilise de nombreux capteurs disséminés aux quatre coins des champs. Ils ont besoin d’une grande autonomie, et n’envoie en retour que de tout petits volumes de datas. »

L’opérateur historique est donc largement positionné sur le secteur. « Le futur ? Je crois beaucoup à la valorisation des datas. Non pas seulement par leur accumulation, mais par le croisement de différentes sources de données pour leur donner un sens nouveau. » Un exemple ? « Des informations issues d’un véhicule qui, croisées aux données d’un assureur, pourraient définir précisément le profil d’un conducteur. On pourrait imaginer que l’assureur proposerait des offres parfaitement en corrélation avec le comportement du conducteur. »

Christophe Guion ne s’arrête pas là. « Un autre point est central selon moi : c’est en se réappropriant ce pan de l’univers digital que l’on parviendra à redonner de l’intérêt à l’utilisateur vers le monde réel. »

Utiliser le numérique pour se concentrer sur le monde physique, un paradoxe ? « C’est au contraire évident. Prenez l’exemple d’un petit dispositif situé à côté d’un monument dans une ville. Il va transmettre une information sur l’oeuvre à l’utilisateur d’un terminal mobile et ainsi donner une valeur supplémentaire au monument existant à cet endroit depuis des siècles grâce au digital. »

Rien ne se fera sans une garantie de sécurité

Mais pour le développeur, cela ne se fera pas sans une réflexion globale sur un aspect déterminant de l’IoT : comment sécuriser toutes ces datas ? « Le secteur ne connaitra l’avenir glorieux qu’on lui prédit  que si, et seulement si, le consommateur lui fait confiance. Nous sommes particulièrement conscients de cela chez Orange. Par exemple, toutes les informations qui passent par le réseau LoRa sont cryptées. »

« Il n’est pas difficile de crypter les données qui passent dans les tuyaux. Il est parfois plus compliqué de sécuriser les terminaux eux-mêmes », renchérit Renaud Acas.

« Beaucoup de start-up vont trop vite pour se positionner en premier sur les marchés et négligent de développer des garanties de sécurité. Comme toujours, je pense qu’il va falloir attendre le gros incident pour qu’il y ait une vraie réaction. La faute ne vient d’ailleurs pas que d’entrepreneurs avides de succès, les grosses firmes ne jouent pas toujours le jeu : il n’y a pas par exemple aujourd’hui de protocole unique et sûr pour harmoniser les échanges de datas. »

Aucun des intervenants de la conférence de la Belle de Mai n’a à ce moment-là contredit la conclusion du journaliste : acteurs de l’IoT, il faudra bien travailler ensemble pour parvenir un jour à cet eldorado tant vanté.

Kunckler Florian

mm

Journaliste spécialisé dans les nouveaux médias et rédacteur web. Pour plus de détails sur mes travaux : http://www.doyoubuzz.com/florian-kunckler

×

Pour ne rien rater de nos actus, abonnez-vous à notre newsletter !